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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


coup avant de rencontrer la fortune et servit bien la République tant qu’il ne s’éleva pas trop haut, où le vertige le prit.

II

Clemenceau connut dans la nuit la mort de Faure et dicta étourdiment : « Cela ne fait pas un homme de moins en France… Je vote pour Loubet[1]. »

Ces quatre petits mots furent exploités furieusement[2] contre le président du Sénat, vers qui tous les républicains, hors les amis de Méline, s’étaient tournés, d’un mouvement presque instinctif, dès qu’ils connurent le drame obscur de l’Élysée.

Il était notoire que Loubet était de cœur avec les revisionnistes, mais manifeste qu’il ne fallait pas faire de lui leur candidat, sous peine d’aliéner ceux des républicains qui résistaient encore à l’évidence et ne voulaient pas se brouiller avec les nationalistes.

Dans la foire présidentielle qui s’ouvrit, dès que Faure fut expiré, et que la sagesse de la Constitution avait limitée à quelques heures, le Centre et la Droite s’armèrent d’abord l’imprudence de Clemenceau qui n’était ni député ni sénateur. Au surplus, Loubet, n’était pas seulement le candidat de l’île du Diable mais on effrayait les timides avec les conclusions de la seconde

  1. Aurore du 17 février 1899. (Contre la Justice, 288.)
  2. Libre Parole. Intransigeant, Gaulois, Gazette de France, Patrie, du soir ou du lendemain. — Haute Cour, 8 décembre 1899. Bonnamour : « À Versailles, le jour du Congrès, on commentait violemment l’article de Clemenceau. »