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MORT DE FÉLIX FAURE

Pendant que ces incidents se succédaient, les prétendants se mirent également en campagne.

Le duc d’Orléans, qui se trouvait à San-Remo, y avait reçu, le jour même de la mort de Faure, quelques gentilshommes et ouvriers endimanchés de l’Hérault qu’il harangua d’un discours à la Drumont sur « l’accaparement de la puissance financière » ; il ajouta, pourtant, ce correctif, comme s’il était déjà roi : « Les persécutions, je les laisse au gouvernement qui m’a précédé… », et fit appel à la solidarité de toutes les ligues, patriotes, antijuifs, etc. « pour sauvegarder la vitalité de la nation[1] ». Dès qu’il connut la mort de l’homme qu’il avait contribué à faire Président de la République[2], il se laissa persuader que c’était l’occasion depuis si longtemps attendue : « Notre parti est perdu, avait écrit le baron de Brandois, si rien ne vient lui fouetter le sang[3]. » Maintenant, « la parole était aux actes » et, si Déroulède l’y voulait aider, la partie serait facile à gagner. Le sachant à Nice, il lui fit demander une entrevue, espérant de réussir par son prestige où ses conseillers avaient échoué. Mais Déroulède déclina l’honneur[4] et partit pour Paris. Buffet, qui

  1. Gazette de France, etc. du 18 février 1899. Le discours fut reproduit par l’Antijuif et répandu à plus de 100.000 exemplaires. (Rapport Hennion, etc.)
  2. C’était par son ordre que toute la droite royaliste avait voté pour Faure (Moniteur Universel du 17 janvier 1895). — Voir t. Ier, 559.
  3. Haute Cour, II, 41, lettre à Buffet ; lettres analogues du comte de Mayol de Luppé, du lieutenant-colonel (en retraite) La Tour du Pin Chambly, etc. (II, 44.)
  4. Haute Cour, 26 décembre 1899, réquisitoire du procureur général Bernard. Il raconta l’incident d’après un ami particulier de Déroulède, le député Pierre Richard, qui le confirma ultérieurement. (Libre Parole du 5 mars 1901, Petite République des 6 et 7 mars ; récit de Pierre Richard à Jaurès ; Galli, Paul Déroulède raconté par lui-même, 125.)