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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/295

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cette oasis — amitié exaltée pour Aurélien de Sèze — soutint Aurore et éclaira sa vie. Cette amitié traversa d’abord bien des épreuves. Quand on est jeune et que l’amour est ardent et mutuel, il est difficile de renoncer au bonheur. Malgré toutes les bonnes résolutions, il arrive que tantôt l’un, tantôt l’autre des deux nouveaux amis vienne à violer par quelque parole imprudente ou passionnée les règles d’une sévère amitié, et c’est ce qui arriva entre Aurore et Aurélien.

Après un séjour à Guillery, les Dudevant, en automne, revinrent pour quelque temps à Bordeaux. Les deux jeunes gens se revirent, et, entre eux, il faut le croire, éclatèrent des scènes orageuses et des explications dont leur honneur à tous deux sortit vainqueur, mais qui agitèrent profondément Aurore. Seuls, le dévouement et la tendre amitié de Zoé la soutinrent dans ces moments pénibles…

« L’automne, nous nous rendîmes à Bordeaux, mon mari et moi, et nous allâmes jusqu’à La Brède, où la famille de Zoé avait une maison de campagne. J’eus là un violent chagrin, dont cette inappréciable amie me sauva par sa courageuse et amicale éloquence. L’influence que son esprit vif et sa parole nette eurent sur moi, en ce moment de désespoir, se maintint durant plusieurs années de ma vie et aida ma conscience à établir l’équilibre auquel je m’étais en vain efforcée d’arriver jusque-là. Je retournerai à Guillery, brisée de fatigue, mais calme, après avoir erré plus d’une fois sous les grands chênes plantés par Montesquieu, pleine de pensées joyeuses et enthousiastes, dans lesquelles, je l’avoue, le souvenir du grand philosophe ne joua aucun rôle ».

Et aussitôt, jouant malicieusement sur les mots, George Sand ajoute : « Et pourtant j’aurais pu foire ce jeu de mots