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du vieux temps

surtout le divertissement des gens d’Église. » — C’est ainsi que, dans l’église de Troyes, après none, l’évêque et les chanoines jouaient d’abord solennellement à la toupie, ensuite à la paume, et se renvoyaient alternativement la balle[1].

Dans quelques-uns de nos anciens archiprêtrés, la sole consistait en un large disque ou palet de bôis, qu’un homme vigoureux lançait le plus loin possible, et que se disputaient ceux qui couraient la sole. Celui d’entre eux qui parvenait à s’en emparer le premier gagnait l’enjeu qui avait été préalablement déposé entre les mains de l’un des spectateurs. — Dans le diocèse de Troyes, on disait courir la futaine au lieu de courir la sole, et l’endroit où on la courait s’appelait le chemin de la futaine, parce que le prix à remporter n’était autre chose qu’une aune de futaine que l’on délivrait au vainqueur[2].

Les curés de nos pays finirent, vers les dernières années du dix-septième siècle, par abolir la course de la sole, à cause des accidents auxquels elle donnait lieu ; cependant ce jeu existait encore, assure-t-on, il n’y a pas longtemps, à Lunery, dans le Cher.

Il est bien évident que toutes ces dénominations : cheole, sole, soûle, soulette, ne désignent pas autre chose que le soleil, et que ces jeux, ainsi que celui de l’éteuf, ont la même origine que la soule des Bretons et la chaulle des Normands. — « La soule, dit Émile Souvestre, est un dernier vestige du culte que les Celtes rendaient au soleil. Ce ballon, par sa forme sphérique, représentait l’astre du jour ; on le jetait en l’air comme pour le faire toucher à cet astre, et lorsqu’il retombait, on se le disputait ainsi qu’un objet sacré[3]. » —

  1. Courtalon, Topographie historique de Troyes, la cathédrale, p. 571 ; — Alexis Monteil, Histoire des Français, t. I, p. 407.
  2. Voy., dans le Mercure de France du mois de mars 1735, la Lettre écrite d’Auxerre à un curieux de la ville de Bourges sur quelques usages des peuples du Berry.
  3. Les Derniers Bretons.