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tant que ceux de Théophraste. Et, pour prendre des exemples plus rapprochés de nous, chacun sait aussi quel Descartes on aurait en écoutant Malebranche ou Spinoza, et quel Kant en s’attachant à Fichte, quel Fichte en le prenant dans Schelling. Il en est absolument de même de Saint-Martin et de son maître : on n’aurait aucune idée juste de celui-ci en ne consultant que Saint-Martin, quoiqu’il insinue lui-même que, dans ses premiers écrits, il suivait les idées de Martinez.

Nous avons à la vérité l’ouvrage d’un autre disciple du fondateur de l’école de Bordeaux, l’abbé Fournié ; mais on ne le connaîtrait pas davantage en écoutant ce dernier. Il dit pourtant plus formellement encore qu’il nous expose les idées de son maître, mais il diffère de Saint-Martin, pour reprendre un exemple cité et compris de tout le monde, autant que les deux célèbres disciples de Socrate, Xénophon et Platon, diffèrent entre eux. On doit donc faire une profonde distinction entre le maître de Bordeaux et ses deux élèves, comme entre les deux élèves eux-mêmes.

Quelle a été la vraie doctrine du chef de l’école ?

On a dit la science secrète de Martinez un mélange de gnosticisme et de judaïsme christianisé, nourris tous deux de la kabbale. Cela n’est pas absolument faux. Les gnostiques ayant professé ou consulté tous les systèmes de la Grèce et de l’Orient, y compris les textes juifs et chrétiens, il y a naturellement du gnosticisme dans toutes les spéculations théosophiques un peu savantes, et il n’est pas de juif érudit, si chrétien qu’il soit devenu par ses études, qui n’ait quelque reste de familiarité avec les idées de la kabbale.