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734 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

être tout à fait « objectif » et s'écarter soi-même du roman qu'on écrit ; puisqu'un roman tout « subjectif » ne saurait être un vrai roman, à héros divers et vivants ; on a trouvé ce com - promis de s'objectiver, si j'ose dire, dans un autre sujet, et de faire passer de soi autant qu'on veut dans son héros, sans être pour ce traité d'intrus.

iilaise Eydieu est au soir de sa vie ; il a terminé son ouvrage ; pour son fils il jette un regard sur la route parcourue, et il en fixe les aspects. Il n'en retient, il n'en dégage que les lignes essentielles, la part profonde de la vie, celle qui vaut qu'on s'y attarde, et que les enfants ne connaissent pas. Délié du devoir de garder son prestige pour gouverner et élever, il peut s'ouvrir enfin, et offrir à son fils le don de son âme véritable, et de sa propre expérience. Double expérience, il a vécu, il a considéré sa vie et connu les raisons qui la firent ce qu'elle fut. Double fruit pour celui qui recevra la confidence.

Curieux de son âme et de ses mouvements, il va chercher d'abord les causes lointaines et profondes qui, avant que l'âme fût même conçue, préludaient à ces mouvements, et devaient, par la suite, orienter ses élans. Qu'elle cédât tour à tour aux influences opposées qui la sollicitaient, mieux qu'aux influences, aux forces qui l'avaient formée, ou qu'elle réagît là-contre, elle supporta le poids de ses hérédités : et lorsque, épanouie, sem- blant vivre par elle-même, cette âme paraît choisir et agir librement, elle serait inconcevable, sans un passé plus ancien qu'elle qui l'enroule dans ses liens divers.

« Toute la vie d'une famille s'est nouée autour de moi. Les expériences de deux générations se sont, contredites, répétées, complétées. Jamais ces sortes de débats ne sont clos. » Du moins, grâce à lui, ils sont éclairés, et son fils, averti, pourra diriger des instincts, dont il connaît et l'origine, et les jeux opposés, et l'eff'et.

Il faut louer d'abord M. Schlumberger d'avoir suivi son plan. Il a proscrit de son récit toute la part proprement descriptive, tous ces décors purement pittoresques, qui encadrent une âme sans se fondre en elle. Cela, c'est la matière des contes que fait le voyageur, à son retour, et le fils les connaît déjà. Il ne sub- siste du cadre, de la vie courante, que les souvenirs que l'âme en conserve, et qui l'ont marquée de leur empreinte, non ces

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