Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/800

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nuit et me sert en même temps. Sans doute, illustre jeune homme, tu regardes comme un déshonneur de marcher à la suite d’une déesse toujours debout sur une roue. Ta fidélité est inébranlable ; et comme les voiles de mon vaisseau battu par la tempête n’ont plus cette solidité que tu voudrais qu’elles eussent, telles qu’elles sont, ta main les dirige. Ces ruines ébranlées par des commotions violentes, et dont la chute paraît inévitable, se soutiennent encore, appuyées sur tes épaules. Ta colère contre moi fut juste d’abord, et tu ne fus pas moins irrité que celui-là même que j’offensai, l’outrage qui avait frappé au cœur le grand César, tu juras aussitôt que tu le partageais ; cependant, mieux éclairé sur la source de ma disgrâce, tu déploras, dit-on, ma funeste erreur. Alors, pour première consolation, tu m’écrivis, et me donnas l’espoir qu’on pourrait fléchir la colère du dieu offensé. Tu te sentis ému par cette amitié si constante et si longue qui, pour moi-même, avait commencé avant ta naissance[1], et si, plus tard, tu devins l’ami des autres, tu naquis le mien ; c’est moi qui te donnai les premiers baisers dans ton berceau, qui, dès ma plus tendre enfance, honorai ta famille, et qui maintenant te force à subir le poids de cette vieille amitié. Ton père, le modèle de l’éloquence romaine, et dont le talent égalait la noblesse, fut le premier qui m’engagea à livrer quelques vers au public et qui fut le guide de ma muse. Je gagerais aussi que ton frère ne pourrait dire à quelle époque commença mon amitié pour lui : il est vrai pourtant que je l’aimai au-dessus de tous et que, dans mes fortunes diverses, tu fus l’unique objet de toute ma tendresse. Les dernières côtes de l’Italie me virent avec toi[2], et reçurent les larmes qui coulaient à flot sur mon visage. Quand tu me demandas alors si le récit qu’on t’avait fait de ma faute était véritable, je restai embarrassé, n’osant ni avouer ni contredire ; la crainte ne me dictait que de timides réponses. Comme la neige qui se fond au souffle de l’Auster pluvieux, mes yeux se fondaient en larmes qui baignaient ma figure interdite. À ce souvenir, tu dois voir que mon crime peut mériter l’excuse qu’on accorde à une première erreur ; tu ne détournes plus les yeux d’un ancien ami tombé dans l’adversité, et tu répands sur mes blessures un baume salutaire. Pour tant de bienfaits, s’il m’est encore permis de former des vœux, j’appellerai sur ta tête toutes les faveurs du ciel ou s’il me faut seulement régler mes désirs sur les tiens, je lui demanderai de conserver à ton amour et César et sa mère ; c’est là, je m’en souviens, la prière qu’avant tout tu adressais aux dieux, lorsque tu offrais l’encens sur leurs autels.

  1. Ovide avait été l’ami du père de Maximus.
  2. Il désigne ici le port de Brindes, où il s’est embarqué pour son exil.