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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/132

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de roman. Je ne prétends point rehausser ma richesse actuelle par ma misère ancienne, ni vous présenter la crasse de ces jours d’autrefois dans le but de faire mieux ressortir la dorure de ceux d’aujourd’hui ; mais il est nécessaire, pour l’intelligence de mon histoire, que nous quittions en paroles ces lieux où nous sommes et que vous consentiez à me suivre à ceux où je suis né.

» De cette naissance, je ne vous dirai rien d’autre sinon que, par un empressement qui prouvait déjà en moi une singulière confiance à la destinée, je devançai l’heure où l’on m’attendait. On fut assez surpris de ma venue intempestive pour n’avoir même pas sous la main ces premiers linges où l’on enveloppe d’ordinaire les petits enfants. On me roula dans un lambeau de toile usée, et comme c’était en hiver et qu’il faisait froid, on me couvrit d’un pan de velours de Gênes qui se trouvait là, du plus beau cramoisi et tout tramé de fils d’or. Hélas ! monsieur, il faut que vous voyiez là moins le gage et l’augure de ma fortune future que l’indice du métier qu’exerçait mon père, car le brave homme n’était qu’un pauvre garçon tapissier. Il achevait souvent chez lui du travail qu’on lui donnait et où il se montrait assez habile, de sorte qu’en