Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sept ou huit ans et que j’étais au point où commencent à se former les traits d’un caractère. Je présentais parfaitement la figure du mien. Vous avez dû souvent rencontrer par les rues des garnements qui ressemblent assez à ce que j’étais alors. Ils portent des chausses trouées et du linge rapiécé où ils se sentent le mieux du monde. Tantôt seuls, tantôt par troupes, ils barbotent dans les ruisseaux, lancent des cailloux aux chiens, poursuivent les carrosses et les chaises, importunent les passants et ne fuient que devant la canne levée ou la main haute. Ils sont vraiment le fléau des villes qu’ils encombrent de leurs jeux et infestent de leurs querelles. C’est comme l’un d’eux que vous pouvez justement m’imaginer. Je ne manquais à rien de ce qu’il est de règle qu’on accomplisse en ce temps de la vie, et ma seule différence d’avec mes compagnons était que je faisais déjà mes petites réflexions sur ce qui m’attendait dans l’avenir. Je dois dire qu’elles ne me vinrent pas entièrement de moi-même et que les propos et les projets de mes parents en ce qui me concernait furent l’occasion de celles qui prirent dans mon esprit le plus de force et le plus de consistance.

» Ils ne se gênaient pas, en effet, pour parler devant moi de ce qui les touchait, et encore moins