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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/137

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corne du sabot. Les seaux, en balance à l’épaule du porteur d’eau, y pèsent lourdement ; le charretier s’épuise la gorge à crier après son attelage et se rompt le poignet à faire claquer son fouet. Je supposais bien, cependant, que certains états vous permettent d’aller, le nez au vent, en bons habits, l’air oisif et indifférent, et ne demandent point tant d’efforts ; mais je n’avais là-dessus que des vues assez incertaines, et je comprenais que le temps arriverait bientôt où il faudrait me décider à quitter la rue pour l’atelier, la boutique ou l’échoppe.

» La faiblesse et la bonté inconcevables de mes parents ne me pressaient point trop de prendre un parti. Je grandissais ; mais mes larmes et mes plaintes, chaque fois qu’il s’agissait de mettre un terme à ma paresse, en imposaient, et je continuais à vivre comme auparavant, avec cette différence néanmoins que les guenilles qui me suffisaient jusqu’alors ne me paraissaient plus dignes de moi. Quoique je n’eusse guère soin du mien, je réclamais sans cesse un meilleur habit. Ma mère faisait ce qu’elle pouvait pour me contenter et me tenir propre. Adroite à l’aiguille et aux ciseaux, elle parvenait à me vêtir décemment. J’étais très fier de mes