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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/138

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hardes, et il fallait voir de quel œil je considérais les haillons que montraient, sur les marches de l’église, les mendiants de la paroisse. Pourtant, je n’avais pas comme eux la ressource de me suffire à moi-même en tendant la main à l’aumône, ce qui est, après tout, une industrie et l’équivalent d’un métier. Le croiriez-vous, monsieur, que je devenais vain et que le spectacle du petit peuple ne laissait pas de m’importuner ? Les beaux seigneurs et les belles dames plaisaient davantage à mes yeux, qui étaient bons et ne perdaient aucun détail d’ajustement et de visages.

» C’est en ce temps-là que je commençai aussi à remarquer la beauté des femmes. L’éclat de leur teint, la fraîcheur de leur peau ou la grâce de toute leur personne me ravissait déjà. Quelque chose d’indéfinissable se répandait en moi à leur rencontre. J’avais treize ans, et il eût tout de même été préférable que je m’occupasse autrement qu’à paresser et à courir les rues, tandis que ma mère peinait au logis et que mon père besognait sans repos ; mais j’aime mieux vous avouer que cette obligation ne m’entrait guère dans l’esprit et que, si elle s’y insinuait parfois, elle n’y séjournait pas longtemps. La vérité est que je