Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étaient particulièrement réussis et ce devait être un plaisir véritable que de croquer quelque fine pâtisserie ou d’avaler quelque tarte parfumée, en mesure avec notre harmonie. J’y faisais ma partie avec beaucoup d’application, sans me laisser distraire par le rire des convives ou le bruit des vaisselles ou des verreries heurtées. Quelquefois, pourtant, j’avais un instant de trouble et mon souffle devenait moins juste, si quelque visage de femme se retournait vers moi ou si deux voisines se parlaient à l’oreille en me regardant. Il y avait souvent là de jolies figures et que le vin rendaient hardies. Elles m’examinaient avec bonté, car, à quinze ans, j’avais la mine fraîche ; mais un coup d’œil sévère de monsieur Pucelard me rappelait au soin de bien triller et de ne pas manquer la reprise.

» Hors le concert, maître Pucelard était fort commode et j’ai dit qu’il s’égayait volontiers. Souvent il m’engageait à me divertir et, persuadé que la musique porte à la volupté, il s’étonnait que je fusse si raisonnable. Cette réserve même le disposait à penser moins bien de moi qu’il n’en avait préjugé tout d’abord. Il avait cru à plus de feu de ma part : aussi me disait-il quelquefois que je ferais bien de m’en tenir où j’étais et de ne me point risquer