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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/148

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à la composition, pour laquelle il faut une chaleur d’esprit et une étincelle d’invention qu’il craignait bien que je n’eusse pas.

» Je méditais sur ces propos en m’en revenant un soir au logis. J’aimais assez à me promener par le silence des rues obscures et désertes et il était rare que je regagnasse mon gîte sans m’être arrêté devant l’hôtel de monsieur le duc de Grigny. Il était achevé depuis quelques semaines, sans que personne encore l’habitât. J’en admirais la haute façade noire. La veille encore, j’étais resté un bon moment à considérer les colonnes du portail : il donnait sur une place carrée, de manière qu’on pût prendre du champ pour mieux juger de l’effet, et j’avais été ravi des belles ombres qui se dessinaient sur le pavé à cause d’un croissant de lune claire qui s’écornait à la toiture. Mais, le soir dont je vous parle, le ciel était si couvert et la nuit si sombre que, tout en marchant, je regrettais celle d’hier. J’allais ainsi, la tête basse, quand, au détour d’une ruelle, un spectacle inattendu me fit lever les yeux.

» Les fenêtres de l’hôtel de Grigny étaient toutes illuminées et la place éclairée de torches que haussaient des laquais en livrée. Ils escortaient un carrosse