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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/165

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seulement à supporter les étoffes dont il apparaissait vêtu. Elle l’employait à des pratiques que je ne connaissais que par ouï-dire, sans savoir exactement en quoi elles consistaient ; je n’en étais pas moins assuré qu’il y avait des gens à qui madame la duchesse permettait des libertés dont la moindre m’eût semblé prodigieuse. Sa bouche s’offrait aux baisers. Ils touchaient ses épaules et sa gorge. Elle les souffrait et y répondait. Je n’ignorais pas tout de même que c’est là qu’on en vient avec les femmes, et cette idée me bouleversait à un point que je ne saurais dire ; mais ce que vous devinerez aisément, c’est que ces réflexions échauffaient étrangement ma jeunesse en même temps qu’elles alarmaient fort ma délicatesse : car, si tantôt je m’y abandonnais avec délices, tantôt je me les reprochais avec horreur. Je me détestais d’avoir cédé un instant aux perfides conseils de la calomnie. Tout ce qui se disait de madame la duchesse n’était-il pas faux ou mensonger ? Et celle que j’imaginais tout à l’heure avec une familiarité incroyable reprenait tout à coup sa distance et m’apparaissait de nouveau ce qu’elle n’aurait dû jamais cesser de me paraître, une des plus vertueuses dames du royaume.

» Cependant, monsieur, malgré mes raisonnements,