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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/166

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mes agitations redoublaient. Je dormais mal et je perdais l’appétit. Je passais tout le temps que je pouvais soustraire à mon métier à errer aux abords de l’hôtel de Grigny. Le jour ne me suffisait pas et je donnais à cette belle occupation une partie de mes nuits. J’épiais les fenêtres éteintes ou illuminées ; je guettais les entrées et les sorties. Je dois dire que je ne remarquai rien d’insolite et qui pût confirmer ce qui se répétait ouvertement jusque parmi le peuple : que madame la duchesse recevait chez elle ses amants, et qu’ils étaient nombreux et renouvelés. Ces récits me tourmentaient. J’aurais voulu, de mes yeux, percer les murs épais de l’hôtel. Je songeai à m’y introduire sous un prétexte quelconque. Ce projet était une de mes chimères préférées. J’inventais mille stratagèmes, dont pas un n’était possible. Je vivais dans une fièvre et une distraction continuelles.

» Si aveugle que je fusse, il me fallut tout de même bien m’apercevoir, à la longue, que mon extravagance indisposait à mon égard monsieur Pucelard et que sa façon de se comporter avec moi s’en ressentait. Depuis le soir de notre rencontre au clair de lune dans l’enclos où s’élevait aujourd’hui l’hôtel de Grigny, il m’avait prodigué le