Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/203

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du coffre funèbre, il y avait introduit le fer de cette espèce de hallebarde qui aidait Jean Lardois à figurer le personnage de la Colère : Ragoire s’en servait comme d’un levier. Il poussait, de temps à autre, un petit soupir d’effort. Le bossu lui indiquait du doigt où il devait peser et agitait sa torche, qui faisait se mouvoir sur le sol leurs ombres affreuses. Les deux misérables, espérant sans doute que madame la duchesse portait sur elle quelques bijoux, avaient formé le projet de voler les anneaux et les pendeloques qui, à leur jugement, ne pouvaient manquer de parer un cadavre aussi illustre, et ils n’avaient pas hésité à la détestable entreprise de les arracher à la tombe. La vue de ce travail sacrilège me remplissait de dégoût. J’aurais voulu appeler, mais pas un souffle ne me sortait de la gorge et je demeurais immobile, sans force et sans voix.

» Ils continuaient leur répugnante besogne. Le bois craquait sous la pesée. Je distinguais très nettement leurs moindres mouvements. Peu à peu, le couvercle cédait. J’étais muet d’horreur et haletant de curiosité. Celle que j’avais si souvent admirée en ses parures, celle enfin que j’avais vue à demi nue dans le désordre d’une nuit à laquelle je ne