Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à la maigreur élancée ou noueuse des flûtes et des fifres. Tous ces instruments s’alignaient en guirlandes le long des murs et quelques-uns même, qui pendaient du plafond, oscillaient imperceptiblement, parmi lesquels un luth obèse à gros ventre semblait un oiseau sans ailes et prêt à pondre son œuf sonore.

Cette vue divertissait fort M. de Bréot et il restait assez souvent là à rêver. Il lui semblait peu à peu que tous ces instruments s’animaient, et il croyait en entendre le concert silencieux où s’ajoutait le timbre argenté du rire de la jolie marchande dont les dents blanches étaient d’un ivoire digne d’être incrusté aux manches des violes et aux panses des luths et dont les blonds cheveux eussent vibré délicieusement sous l’archet. Ces idées ramenaient M. de Bréot au visage de la jeune femme. Les pensées qu’il y prenait devenaient sans doute assez visibles sur le sien pour qu’elle s’aperçût du tour qu’elles suivaient. Marguerite n’en semblait pas mécontente. Peu à peu, la présence de M. de Bréot lui causa assez d’agrément pour qu’elle songeât à la rechercher ailleurs qu’en public et sous les yeux de maître Géraud, qui, sans être jaloux, n’en était pas moins un mari et qui, si occupé qu’il fût de son