Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/231

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juge. Je renonçai à ce langage vif et cru auquel j’étais habitué et j’y substituai je ne sais quoi d’onctueux, de posé et de convaincu. Je me présentai partout avec la plus grande décence ; je fréquentai les églises, j’assistai aux sermons et aux processions. J’abusai des sacrements. Je fis, monsieur, des excès de Sainte-Table. Je composai des hymnes et des cantiques. Je portai les plus beaux à madame la marquise de Preignelay. Elle les écouta d’une oreille distraite, les loua fort et ne me donna pas un écu. Partout, il en fut de même, et voilà pourquoi je suis venu à vous dans l’espoir que vous me feriez meilleur accueil.

M. Floreau de Bercaillé resta un instant en rêverie. Marguerite Géraud en profita pour passer le nez au-dessus du drap et voir quelle mine avait cet importun visiteur. M. de Bercaillé ne triomphait guère. Son teint, que le vin ne soutenait plus, était fort décoloré. Il semblait piteux et mal en point, et sa naturelle odeur de bouc se mêlait à un petit parfum de sacristie. Cependant, il demeurait en silence, quand tout à coup, il s’écria :

– Les bons chrétiens, monsieur, sont de singulières gens. Les uns jugent si naturel qu’on se