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Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/247

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lui rappelait l’ordonnance des troupes. Il maniait sa bêche comme pour creuser une tranchée. La rondeur d’un fruit imitait à ses yeux la forme d’une bombe ou d’un boulet. L’arrosoir sonnait comme une cuirasse heurtée, mais il passait vite sur tout cela et en revenait à ses pensées ordinaires où se mêlaient la bonté de Dieu et la culture des légumes.

– Oui, monsieur, – disait M. de La Bégissière à M. Le Varlon de Verrigny, pendant que celui-ci mâchait avec peine quelques fèves coriaces, – j’ai connu le monde et j’en suis sorti pour n’y point rentrer. Je n’en ai conservé d’ailleurs aucun regret. Ce qui nous y paraissait le plus nécessaire s’oublie vite dans le calme de la solitude. Ne croyez pas pourtant qu’on y soit oisif et désœuvré. Bien loin de là ! Ce n’est point tout que d’y cultiver la terre à la sueur de son front et à la peine de ses bras, il y faut aussi cultiver son âme et son esprit, les sarcler des herbes mauvaises, les ensemencer de graines pieuses, les arroser de prières et leur faire produire des fruits sains et méritoires, qui tomberont mûrs de la branche dans la corbeille de notre salut, à l’heure de la suprême récolte. Ah ! que je voudrais vous enseigner ce double jardinage, car on m’a