Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et sylvestre, le personnage tout entier. Son corps était revêtu d’un habit de velours vert, mais ses pieds n’étaient point fourchus ou cachaient leurs sabots en des bottes élégantes. Le Sylvain étendait les bras vers elle, mais comme madame de Blionne faisait le mouvement de fuir, au lieu de s’élancer sur sa proie, le Forestier tomba à genoux, et madame de Blionne entendit sortir de sa bouche des paroles harmonieuses et mesurées.

– Ne fuyez pas, charmante beauté, – disait-il, – et ne montrez pas si cruellement que vous réprouvez ma présence en ces jardins. Toujours, nos pareils n’ont-ils point hanté les bois et les forêts, et leur aspect, tout farouche qu’il puisse être, n’offre aux yeux rien d’effrayant ? Notre destin n’est pas de nuire. C’est à faux que la fable nous a prêté certaines malices. Si cela fut vrai jadis, le Temps nous en a corrigés, et celui où nous vivons n’est pas sans avoir apporté, même jusqu’au fond de nos retraites, quelque chose de sa politesse et de sa civilité. Ainsi nos pieds se gardent bien de fouler les fleurs. Nos mains ne dénichent plus, comme jadis, les nids des oiseaux. Nos cornes mêmes ne nous servent plus à frapper l’ennemi. Nous sommes pacifiques et bons. Nous aimons l’odeur