Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/53

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et, tout ragaillardi, levait son museau de bouc pour considérer d’en bas l’étroite et haute fenêtre du taudis où il avait, durant tant de nuits, les pieds dans la paille, une vieille souquenille aux épaules, peiné sur sa petite table de bois blanc, toute tachée d’encre, à assembler des rimes bien égales qui sonnassent heureusement à l’oreille ou à combiner d’agréables inventions, propres à plaire aux yeux, et qui, les unes comme les autres, lui valussent pour récompense aussi bien des louanges qui flattassent son cœur orgueilleux que quelque bourse garnie d’écus qui lui permît de soutenir son génie.

Le sien s’employait tour à tour à l’ode, au sonnet, au madrigal, à l’épigramme ou au ballet. Il éprouvait néanmoins quelque peine à l’ajuster au goût du jour, qui veut que tout soit également épuré et ne présente que des pensées neuves et relevées où il n’entre rien de vulgaire ni de commun. M. de Bercaillé disait volontiers que c’était là un dur métier et qu’il aurait fallu à tout le moins l’exercer commodément, bien assis à de bons coussins de duvet et non point perché sur une chaise de paille qui vous use les chausses et vous rabote et pique les fesses.

La pauvreté lui paraissait une assez mauvaise condition à produire ces belles choses qu’on attend