Aller au contenu

Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aborder. Le roi n’est pas dévot, mais il a de la religion, et il aime qu’on en montre, même si l’on n’en a point. Vous verrez où en sont réduits nos libertins : à se parler à l’oreille ou à s’enfermer dans la salle basse d’un cabaret. L’état d’impie est fort diminué, et les quelques impiétés qu’on nous passe, encore nous les passe-t-on en faveur de nos mœurs déréglées, de telle sorte qu’on en cherche les raisons dans les facilités qu’elles donnent au désordre de notre conduite plutôt que d’en faire honneur à une disposition de notre esprit. Voilà, monsieur, où nous en sommes, et le jour viendra bientôt où je serai forcé d’habiter continuellement cette forêt où je me plais, au printemps, à promener mes réflexions et mes pensées. C’est là que vous me retrouverez, non plus en habit d’homme, mais à errer tout nu, à quatre pattes, car j’aimerais mieux feindre la bête et manger l’herbe que de rentrer dans l’erreur commune et de croire que je suis autre chose qu’une créature périssable et passagère, formée par un jeu inexplicable de la nature et qui n’a, dans ce qu’elle a à vivre, d’autre but que de mourir, et rien à attendre de ce qu’elle est que la certitude de n’être plus.