Page:Régnier - Les Rencontres de monsieur Bréot, 1904.djvu/94

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– Ah ! les grands, les grands ! – dit-il à M. de Bréot en avalant avec une grimace un jus d’herbes amères, – les grands n’ont guère la reconnaissance de ce qu’on fait pour eux. Je ne connais pas ce Le Varlon de Verrigny dont vous me parlez et qui, me dites-vous, a besoin de moi pour que je lui enseigne à vivre selon la nature, mais prétendez-vous, quand j’aurai réussi à le débarrasser du fatras qui lui encombre l’esprit, qu’il gardera quelque souvenir du service que je lui aurai rendu ? Il me comptera, en écus, le prix convenu, mais me conservera-t-il ce souvenir qu’on doit au maître qui vous a appris à penser librement ? Non, quand je l’aurai tourné du dévot au libertin, il se vantera d’y être venu tout seul et s’en accordera le mérite. D’ailleurs, cette ingratitude ne me chagrine guère, et ne supposez pas que je regretterai de lui avoir communiqué des façons dont je suis heureux de me défaire à son profit. Le métier d’impie ne vaut plus rien, et voici le temps venu où il va falloir croire en Dieu, et il se pourrait bien que vous vissiez le jour où j’en serai là, dont j’espère, monsieur, si une fois je m’en mêle, me tirer aussi bien que n’importe qui.