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Page:Raîche - Au creux des sillons, 1926.djvu/46

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LE MENDIANT

Le Mendiant



Les mendiants s’en vont sur la route. Ils marchent lentement, le dos courbé, appuyés sur leurs bâtons noueux. Ils connaissent toute la province, les vieux mendiants. Depuis de longues années ils partent au printemps et rentrent avec l’automne. Ils sont beaux dans leurs haillons, les mendiants de chez nous. Leur figure creusée par la faim, le froid, le vent, brunie par le soleil, ressemble à un médaillon finement taillé. Et pourtant il y a une grâce décente dans leur maintien.

Les vieux mendiants qui vont de porte en porte ont des manières de grands seigneurs. Ils frappent poliment et disent : « Bonjour, mon bon monsieur et ma bonne dame, bonjour la compagnie ; la charité pour l’amour du Bon Dieu ». Ils ramassent des sous qu’ils glissent dans leur besace, de la laine, des œufs, du savon qu’ils mettent dans leur panier. En partant ils disent : « Merci mon bon monsieur et ma bonne dame, le Bon Dieu vous le rendra ». En effet, ils sont beaux et nobles les vieux mendiants.

Échelonnés sur la route il en passe plusieurs par jour, quelquefois quatre, cinq, six, et même davantage. Nos gens ne trouvent pas qu’il y en a trop. Les plus charitables sont même contents. Ils disent : « Nous avons été bénis aujourd’hui, il est passé dix mendiants ». Seuls, les riches se plaignent quelquefois qu’il y en a trop. Ils voudraient les faire enfermer, et que le gouvernement s’en occupât. Aussi ils les reçoivent froidement. Ils les regardent d’un œil mauvais qui les scrute des pieds à la tête et qui semble dire : « Vous n’êtes pas assez infirmes pour