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les dépaysés

flatta de la main sur la croupe, et leur dit : « C’est pour cet après-midi. Vous êtes prêts ? »

Les bêtes le regardèrent de leurs bons yeux dociles, se mirent à ruminer, agitant la chaîne de leur licou et continuant leur rêve de grandes prairies d’herbe tendre et odorante.

Comme Paul sortait de l’écurie pour retourner vers son père, Marthe, sa sœur, ouvrit la porte de la maison, et sur le seuil, se faisant un cornet de ses mains, leur cria que le dîner était prêt.

Le père et le fils sans parler se dirigèrent vers la maison. La pièce où ils entrèrent était carrée, aux murs rugueux blanchis à la chaux. D’un côté, il y avait une croix noire entourée d’images de saints, d’un calendrier ecclésiastique ; de l’autre, une corniche où était l’horloge, avec, à droite, un portrait de Laurier et à gauche celui de la reine Victoria. Cette pièce servait de cuisine, de salle à manger et de salle de famille. Près d’une fenêtre, il y avait un rouet où était assise une petite vieille femme toute menue, alerte, coiffée d’une capuche blanche soigneusement frisottée qui couvrait des cheveux d’un blanc de neige. Le rouet ronflait, et de ses vieilles mains gercées elle étirait la laine qui s’enroulait sur le fuseau. En voyant entrer les deux hommes, elle arrêta la roue, accrocha le brin de laine au montant et se leva. Ses mouvements étaient pleins de vivacité malgré son grand âge.

« Le dîner est prêt, dit-elle, nous allons nous mettre à table. » Le père et le fils s’étaient tout de suite approchés de l’évier et se mirent à pomper de l’eau pour boire et se laver les mains à une grosse pompe de fer qui grinçait à chaque coup. Ensuite, tous les quatre firent le signe de la croix, dirent le