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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/120

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Quel froid, ce matin de mars ! La neige, qu’on n’avait pas eue de tout l’hiver, se met à tourbillonner en flocons épais, nous replongeant dans l’horreur des jours prisonniers du temps juste à l’époque des naturelles délivrances… C’est toujours la même chose : en avançant on recule ! On croyait au printemps, c’est l’hiver, l’hiver qui tue.

« Pierrette ! Notre Pierrette est morte ! » Je tremble. J’ai l’onglée. Une bise cruelle me prend à la gorge, telle une agression du remords. Je voudrais avoir au moins des détails, savoir de quelle façon ce mal s’est emparé d’une bête jusque-là robuste, notre nourrice ! Mais la femme fantôme trouve, sans doute, qu’elle en a déjà trop dit, car elle monte, s’efface dans les plis de la neige, rentre en un linceul mouvant, sans ajouter un mot. La femme fantôme va au pain pour elle et pour moi, c’est même le seul service qu’elle consente à me rendre. Je ne saurai rien de plus. La chèvre est morte. Pourquoi se tourmenter de cet incident ? Tous les animaux sont nés pour mourir. (Et les hommes, donc ?)