Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/39

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montre, puis une autre vibration la remet en route, de sorte que je ne sais jamais bien l’heure. Savoir l’heure ? Encore une science vaine. On nous vieillira de soixante mortelles minutes et nous n’en serons guère plus… avancés.

La guerre ! C’est la guerre ! Il faut tenir. Hier, j’ai passé mon après-midi à faire mon examen de conscience en sa présence sacrée. Je retombe dans le doute. Ce qui importe le plus, c’est de tenir, selon le mot des journalistes ; malheureusement ce verbe indique un appui matériel, un bâton, un fusil, une rampe, un livre, quelque chose enfin à quoi l’on tienne. Or, personnellement, je ne tiens rien du tout et je ne tiens pas qu’on tienne à moi. L’idée de simple cohésion m’horripile. Non, je ne veux pas retourner à la ville-lumière parce qu’elle me semble tenir… dans la plus profonde obscurité et ensuite parce que je n’ai aucune lueur à lui apporter. Les lettres qu’on m’adresse de là-bas sont exaspérantes de tranquillité, sinon de parfaite inconscience. Elles dépassent les journaux en utopies et en