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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/49

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retrouve contemplant l’océan rouge de la guerre, attachée au rivage des convenances sociales comme jadis, quand j’étais petite, on me liait par le souvenir de mon père en me répétant qu’une fille d’officier ne doit jamais pleurer.

Oui, j’ai mal au front de la France, comme Mme de Sévigné avait mal au ventre de son enfant, mais je ne suis pas une femme de lettres, j’ai pris l’horreur d’écrire… des lettres pour me consoler en épanchant ma rage en phrases élégantes. Je ne sais plus écrire.

La fiction, en présence de la réalité, me paraît un crime qui permet à l’autre crime de s’étaler plus monstrueux, plus terriblement invraisemblable. Quiconque ose écrire un roman me fait l’effet d’une main inopportune agitant un éventail, un écran, en face d’un incendie. Je n’ai jamais admis, en temps de paix, qu’on eût le droit de regarder un incendie de loin, en curieux. Nous n’y pouvons rien ou si peu de chose ?… Oui… mais notre conscience a le droit de… faire la chaîne. Du front à l’arrière, ce devrait être