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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/50

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une chaîne de consciences vives, de cœurs fondus en anneaux rouges et brûlants et chacun, chacune, nous devrions souffrir en rêve durant qu’ils meurent là-bas, en réalité ! Les rêves ?… J’entends, la nuit, des cris désespérés que je n’entends pas, et ce silence, ce calme autour de moi, cette paix profonde, j’allais dire inexorable, de la nature, me les rendent physiquement sensibles. Ils me touchent, me réveillent et j’en suis réduite à chercher le nom de celui qui m’appelle et ne songe certainement pas plus à ma personnalité qu’à n’importe qui ! Je vais m’expliquer à fond pour qu’on éloigne de moi ce calice qui serait de m’accuser d’une exagération de la sensibilité littéraire. Je possède aussi la singulière infirmité d’entendre trop. Je n’entends pas ce qui ne saurait exister. J’ai le don néfaste de percevoir le moindre bruit réel comme savent les entendre certains animaux : le chien, le chat, le rat. Je sais que sur le toit, plus haut que le plafond de ma chambre, plus haut que la charpente du grenier, marche, en ce moment de nocturne