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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/58

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Après la nuit de ces films à la fois tragiques ou trop flous, macabres, rayés d’éclairs d’où semblent sortir un crépitement de balles, des éclatements de fusées livides, je cours à la fenêtre pour chasser les ombres en renouvelant l’air. Je vois… je vois alors poindre le jour, ce miracle quotidien que personne ne regarde plus. Que ce soit l’hiver ou l’été, il fleurit le paysage. Et là-bas, s’évadant de l’aurore, un vol de pigeons blancs s’éparpille mollement sur la campagne comme les morceaux d’une lettre d’amour.

Ô jour, notre unique bien, le plus réel trésor du riche et du pauvre, je te prends dans mes bras, je t’embrasse, ô mon petit matin qui vient de naître ! Je suis seule, comme toi, dans un triste horizon, je serai troublée de ton indécision ou j’aurai chaud de ta lumière… mais je vivrai puisque tu le permets. Quel que soit notre âge, est-ce que nous ne renaissons pas tous les matins où le jour nous est donné encore une fois ? Jour qui dissipe le mystère de l’ombre avec des glaives d’argent, qui combat pour la