Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/59

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seule victoire certaine et apporte cependant l’inconnu, jour nouveau, x merveilleux, faucilles accouplées en un métal brillant d’une pureté farouche, l’une menaçant l’avenir, l’autre ayant fauché toutes les fleurs dans la rosée trop froide, lames aiguës vous encerclant les tempes pour en faire jaillir des yeux neufs, des larmes de douleur ou de reconnaissance… Ô jour, que puis-je demander de plus à la terre quand je te vois ? Qu’oserai-je désirer en dehors de ce présent inestimable… qui est le présent ? Mais pourquoi est-ce que je vis, pourquoi ai-je le droit de regarder le jour en face alors que sont fermés les yeux des jeunes morts qui sont encore dans la nuit, qui seront éternellement dans la nuit ?… Tant de jeunes morts !… Dois-je tolérer cela d’un cœur léger, dois-je l’admettre et m’habiller, sans m’apercevoir que je suis, lâchement, celui qui continue à agrafer ses haillons avec du soleil ?…