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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/71

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grappes humaines gesticulant. Les locomotives étaient brillantes d’un cambouis nouveau. Elles avaient l’aspect bourdonnant et inquiétant de grosses mouches à viandes. Il en repassait une, seule, avant ou après le train, qui prenait l’apparence de celle du coche, inspectant la voie d’un air affairé. Ces trains, c’était la plus belle organisation du monde au milieu du désordre inévitable. Sans se monter les uns sur les autres, ils défilaient, défilaient ornés de drapeaux et de feuillage. Comme je suis assez loin d’eux, de mon balcon, je n’entendais pas les clameurs : je les voyais. Dans ma jumelle je distinguais les bouches ouvertes, les sourcils froncés par l’effort et j’avais le dessin de leurs cris : « Patrie ! France ! République ! À Berlin ! » Ces convois étaient ornés de verdures piquées de fleurs rouges, roses, blanches. Cela rappelait ces guirlandes bien régulières que les bouchers font à l’étal de leurs chairs primées.

Sur le fleuve, qui coule majestueux et lent devant mes fenêtres, et dont je ne suis sépa-