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Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/72

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rée que par le chemin de halage, il n’y avait plus de trains de bateaux. (Dans ce désert, je suis cependant au point où toutes les tractions se rencontrent : remorqueurs aux gueules à la Moriss, locomotives à panse ubuesque, plus là-haut, les oiseaux de toile peinte, dragons chinois vrombissant.) Les péniches, dispersées au hasard du départ de leur pilote, s’étaient amarrées où elles avaient pu. J’ai vu la dernière du bief cherchant son port d’attache près de chez moi. L’homme, aidé de sa femme, lançait des coups de gaffe sans précipitation, selon l’antique prudence de ceux qui vont sur un élément traître. Quand il eut ancré sa péniche, il descendit, tenant un petit paquet noué dans on mouchoir. Sa femme l’accompagnait, parlant vite, le front bas. Lorsqu’ils furent au bout de la grille de mon jardin, j’entendis deux mots s’envolant d’une phrase, deux mots qui réduisirent à la beauté d’une devise toute leur conversation ; « Mon devoir… et la France ! » Peut-être n’avait-il pas lu les journaux, peut-être ne comprenait-il pas