Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/38

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des eaux de toilette. Il n’avait qu’une réponse : « Ça sent le savon, votre sacrée machine ! »

Et le notaire luttait contre cette inertie avec tous les engins de destruction qui peuvent se fourrer sous une étiquette de liquoriste : « Voyons, capitaine, il y a encore celle-là, tendez-moi votre verre ! Vous allez m’en dire des nouvelles. C’est ma dernière création. J’ai trouvé la recette dans un journal de modes, et j’ai fait venir mes ingrédients de Paris. »

Le capitaine avalait, restait un moment tout rêveur, désirant y aller de sa bonne volonté : « Oui, oui, concluait-il, c’est fameux… un mélange d’eau de Cologne et de citron… Je ne déteste pas ça… pourtant… Non, tenez, je vais me rincer avec un peu de rhum pur : vous permettez ? »

Le notaire, vexé, feignait une gaieté bruyante : il sortait un instant, revenait avec un bocal de prunes, ce qui allumait les dames, car la prune remuera toujours la concierge sommeillante au fond du cœur de chaque provinciale… Laure, assise sur un tabouret, goûtait de tout dans tous les verres, sans préférence déterminée, puis elle emportait un bâton d’angélique pour jouer à la dînette. Elle aimait à manger ses friandises lorsqu’elle était seule et qu’on ne la regardait plus. Souvent, elle se glissait à quatre pattes derrière un fauteuil ou dans un coin de la cour ; là, elle croquait, mastiquait, flairait, goûtait en imitant les petits chiens qui dévorent, l’œil sournois et la queue entre les