Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/43

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« C’est un bon garçon », disait son père. Peut-être ; mais, pourquoi n’a-t-il pas eu le moindre mot de vraie douceur qui lui aurait ouvert, à deux battants, la porte de l’Eden. Il la trouve mal coiffée !…

Et tout se brouille dans son cerveau malade, le sermon du curé à l’église, les pieuses recommandations de la vieille tante dévote lui disant que son devoir était de ramener son mari aux saines pratiques du catholicisme, parce que l’amour peut ainsi devenir éternel.

Il n’a commis aucun crime, ce bon garçon qu’elle ne connaît pas et qui ne la connaît pas, mais il est le contraire de l’enthousiasme, du délire amoureux. Il est du bois dont on fait ces monstres de l’utilité, de l’universelle raison d’être : les gens raisonnables.

Ah ! quelle autre raison de vivre que celle d’aimer, et comment peut-on aimer les gens raisonnables ! Elle pleure, sous son capuchon de soie froncé. On dirait un cocon où s’agite et se tord la chrysalide qui va tout à coup s’envoler, ayant enfin acquis ses ailes radieuses, ayant obtenu, dans l’effort d’une douleur latente au nom mystérieux, son droit à la conquête du bonheur.