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Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/21

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la nécessité comme conseillère. Je devais lui faire une belle dot, puis lui découvrir un gentleman distingué, noble même, s’il était possible : c’était mon rêve, d’introduire un jour ma sœur dans l’aristocratie de Londres. Je m’étais mis son bonheur en tête à la place du mien. Il faut que les femmes qui sont un peu sacrifiées aient un but quelconque dans la vie, après l’accomplissement de leur sacrifice ; sans cela elles nourriraient des projets de vengeance contre leur sort. Ce serait fort désastreux pour ce qui leur reste de tranquillité. On peut facilement se substituer aux autres par l’habitude constante que l’on prend de penser à eux. J’y étais arrivée. L’idéal de ma sœur, son dernier idéal, car elle en avait eu beaucoup avant celui-là, était un poney. Je ne sais comment cela se fit, je me mis à vouloir ardemment un poney. Dans la question de mariage, ce désir fut un de ceux qui m’engagèrent au oui fatal : une goutte d’eau fait déborder la coupe pleine. J’ai déjà dit que je n’avais pas été jalouse de Madge. Je me suis emparée, à la mort de ma mère, de l’affection qu’elle lui portait : je voulais avoir le droit d’être aimée. Je n’y