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Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/22

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réussis pas. Mais je puis assurer qu’il n’y avait pas de ma faute : j’étais née, sans doute, pour ne pas recueillir. Je ne me fais pas d’éloges sur mes prétendus dévouements, ils étaient dans ma nature. Je ne souhaite à personne une nature semblable, car ceux qui recueillent, même égoïstement, sont les véritables heureux. On ne doit point trouver de mérite à l’aveugle, qui préfère rester assis plutôt que de marcher, au risque de se rompre le cou. En revanche, ceux qui, tout en voyant, tombent dans le précipice, ne sont point coupables. S’ils y restent, ils sont justement punis ; s’ils en sortent, ils ont eu trop de chance pour qu’on leur en fasse un reproche. Il n’y a de faute que pour ceux qui dérogent à leurs principes naturels ; si vos écarts font pressentir une sottise, rien de plus naturel que de l’exécuter. Si vous étiez droit depuis l’enfance et que vous vous courbiez au milieu de votre existence, vous êtes gravement répréhensible. Il y a plus de honte à devenir immoral qu’à l’avoir toujours été.