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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/113

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— À dormir debout, hein ? Moi, je me couche, j’en ai assez de faire le monsieur correct. Si je ronfle, tu me tireras par la manche… Éliante, le tapis sent le fauve ? Dieu, que c’est drôle ! Ça sent le fauve et, en l’air, ça sentait la poudre de riz. Je perds la tête ou nous sommes dans le rêve des îles lointaines !

Étendu à ses pieds, tout noir dans ses vêtements de jeune homme sérieux, il formait bien le pendant de l’Éros nu, et chaste, à cause de la noirceur du marbre.

Il ne dormait point, l’œil en arrêt sur le blanc gibier d’amour, prêt à bondir pour l’étrangler si elle essayait de se dérober trop lâchement. Se déroberait-elle encore ? Où était-ce réellement lui, le gibier que guettait l’arc invisible du cruel chasseur ?

Elle voulait jouer ? On jouerait… aussi cruellement qu’elle voudrait, mais il n’avait point les mains coupées, lui ! Cela finirait mal.

Éliante s’assit sur le pouf de cygne, redevint grave :

— Ma chambre, dit-elle, est telle qu’elle existait il y a cinq ans, à bord du Saint-Maurice, le grand navire que commandait mon mari. Imaginez-vous tout cela, chéri, amoncelé dans une cabine relativement trop étroite, éclairée par un hublot, une cabine ovale comme l’œuf de