Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/194

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« Pauvre cher petit aimé,

Non, tu n’es pas le seul qui ose dire : la femme honnête est celle qui cède. Vous avez tous inventé cela dès votre berceau pour la plus grande commodité de vos futures alcôves, et vous l’avez tellement répété que les plus niaises le croient, aujourd’hui, s’étant enfin débarrassées de quelques préjugés divins. Elles naissent aussi en le croyant, et on entend même les jeunes filles charmantes déclarer, les poings en l’air, qu’elles céderont, l’occasion offerte, pour s’assurer éternellement des droits qui ne s’acquièrent qu’avec une diabolique expérience. Je connais beaucoup mieux les hommes que les femmes, mais je n’ose jamais rien entreprendre contre la liberté d’un homme, charnellement parlant. Cela me paraît un crime, et au prix d’un crime je ne veux pas être heureuse.

Je connais les hommes… oui… ils veulent tous la même chose.

Je connais moins les femmes, elles ne savent pas ce qu’elles veulent.

Et voilà pourquoi… je leur pardonne.

Alors il faut jongler de loin ?

J’y consens. Je vais te raconter l’histoire de ma vraie première lettre d’amour.