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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/22

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— Vous étiez chez la baronne d’Esmont, jeudi. Un bal pourtant ?

— J’y allais… sans savoir.

— Vous allez souvent sans savoir, n’est-ce pas, Monsieur ?

Ici un petit rire et une petite toux.

— J’ai en effet l’habitude de faire tout de suite ce qui me plaît. Une mauvaise habitude n’est-ce pas, Madame ?

Et il essayait de la dévisager, d’être hardi, d’agir enfin comme en pleine bonne fortune, seulement, il se sentait paralysé, gauche, avec la terreur d’être lancé brusquement hors de la voiture et la volonté bien tenace de rester en face d’elle, assis sur le pan de son écharpe orientale.

Elle murmura bâillant doucement :

— Je suis partie plus tôt parce que… j’ai faim. Le buffet… très élégant, mais, si vous aviez vu les sandwichs de près ? Quelle horreur ! De simples tartines ! Cela sentait le jambon rance. Je souperai chez moi, ça vaudra mieux.

Une buée opalisait les glaces du coupé, on galopait dans les nuages, avec, de temps en temps, un éblouissant rayon des lanternes.

Il grommela :

— Je dois vous paraître extrêmement grossier, Madame ?