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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/23

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— Mais pas du tout, au contraire. Je suis certaine que vous êtes un homme très bien élevé, et c’est pourquoi je vous invite à venir partager mon souper.

— Madame, il serait plus naturel que je vous invitasse.

— Oh ! invitasse ! C’est admirable d’imparfait. Non… ne risquez aucune chose de ce genre, je vous en supplie, vous me feriez de la peine. J’ai bien le droit de vous recevoir, — je suis votre aînée, — de vous traiter comme un petit garçon qu’on met en pénitence. Vous quittez, sans savoir, une fête fort gaie, et je vous punis en vous ramenant chez une dame d’humeur triste. (Elle riait tout le temps.) Je suis triste, moi, parce que je suis souffrante.

— Vous êtes malade ? Qu’avez-vous ?

— J’ai… le spleen, à cause de la pluie, à cause de l’automne.

— Ne vous moquez pas, dites !

— Je pourrais être plus méchante. Est-ce que je vous demande votre adresse, moi ?

— Vous m’avez vu volant une de vos cartes ?

— Ce n’était pas malin, vous le faisiez devant tout le monde. Monsieur.

Rageur, il gronda :

— Je ne suis pas amoureux de vous… si j’en ai l’air ! je ne veux m’éprendre d’aucune femme.