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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/24

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Non, jamais. Vous me semblez un objet curieux, et cela m’amuse de vous regarder de près… derrière la vitrine. Pas envie de toucher… ni d’acheter, je vous jure.

Un petit silence tomba comme un grésil. La femme toussa légèrement.

— D’acheter, soupira-t-elle ? Pauvre enfant !

Il tressaillit. Elle avait dit cela d’une voix émue, délicieusement maternelle. L’injure ne l’atteignait guère. Elle plaignait celui qui essayait, sur elle, sa toute neuve cruauté de mâle.

— Vous me prenez pour un enfant. Je suis majeur, Madame. J’ai vingt-deux ans.

— Moi, j’en ai trente-cinq, Monsieur.

Il serra les poings, furieux, sans s’expliquer pourquoi.

— Mettons quarante, pensa-t-il.

— Je ne mens pas, ajouta-t-elle, bien qu’il n’eût rien dit. Vous passez, vous me regardez et je le tolère. Avouez que j’aurais le droit de vous mentir, si je voulais.

Il songea qu’elle le reconduisait peut-être tout bonnement chez lui, sachant son adresse, et qu’elle jouait un instant pour s’éclipser ensuite, — l’astre d’orient sous les nuages, — et cela l’exaspéra.

— Tenez, Madame, laissez-moi descendre.