Aller au contenu

Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tirons chacun de notre côté, comme il sied à des gens point faits l’un pour l’autre. Seulement… prouvez-moi que vous n’êtes pas une négresse !

Il s’efforçait de rire.

Elle se déganta et lui tendit la main.

C’était une main toute petite, et très puissante, en dépit de son apparence frêle, aux doigts maigres, onglés courts, aux phalanges un peu creusées, à la paume voluptueuse, collante comme une ventouse, mais cette main, sans bague, éclatait de blancheur, — un pétale de magnolia, — et elle exhalait un parfum pénétrant, une odeur poivrée, acidulée, dont on n’avait pas le nom tout de suite sur la langue, si ou en gardait la saveur, une odeur de fruit des îles.

— Oh ! Madame, balbutia le jeune homme contemplant cette main aux fugitives lueurs des lanternes, vous me gâtez ! (Il examinait ce joli morceau de chair avec les yeux d’un expert en l’art de découvrir des tares physiques.) Oui, dit-il sérieusement, vous devez être souffrante, malade ou chagrine, buveuse d’éther, morphinomane, ou… le cœur… Vos veines bleues le long du poignet… sont presque violettes et… c’est exquis.

— Pas si malade que ça. Je m’ennuie, voilà tout. Vous, vous êtes un étudiant en médecine.