Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/256

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soit peu, je t’aimerai plus… ou moins… Tu décideras !… Mais je ne te céderai pas. Je m’en irai telle que tu me connais, pour être à jamais la plus belle. Cinq ans, as-tu dit ? L’éternité ? Je t’en veux surtout pour cette façon de me comprendre ! (Elle releva les paupières, délivrée de l’ardeur de ses lèvres, et elle eut un regard sombre.) Je m’en irai… Mais je reviendrai, je mangerai ta chair lentement, longuement, je boirai ton cœur goutte à goutte, tu en mourras de honte et de douleur toute la vie. Ta volonté ne remplacera pas la mienne… Alors, j’ai résolu… (Elle s’arrêta le souffle court, les dents claquantes.) Tu ne m’auras pas, Léon, non, tu ne m’auras pas… Comme tu veux m’avoir, je m’en irai.

— Soit ! Emmène-moi, si tu veux t’en aller… trop loin. Je suis prêt à le suivre jusqu’au suicide. Pourvu qu’il y ait un lit où on se couchera avant de se tuer.

— Généralement il y en a un, Léon.

— Et on s’y trouve deux, ma chérie. Le reste n’est qu’une affaire d’habitude, ricana-t-il exaspéré.

— Oui, mais moi, je n’ai pas les habitudes de tout le monde. N’anticipons pas, petit ami d’amour. Je veux m’en aller… dans mon pays simplement.

— Ah ! quelqu’un l’y attend, Éliante ?