Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/269

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moelleuse, cela étincelait dans le silence religieux comme, à travers la fumée d’encens, les bijoux d’une monstrueuse idole. Les tendres pâleurs des marbres se reflétaient jusqu’au bord de l’eau, traînaient en robe nuptiale balayant des escaliers géants.

Et le long du grand pont, la lune blanchissait les balustres, leur donnant le vernis de la perle.

— Je suis arrivée, déclara Éliante, doucement confuse. Tu es méchant, mon petit ami d’amour ! Je ne veux ni te répondre ni te contredire, car tu as peut-être raison. Mais où il y a du ridicule à risquer, la fille du baron de Massoubre est toujours inquiète. Je t’aime, cela n’est pas ridicule parce que c’est divin… Si je t’épousais… Missie aurait envie de rire… malgré tout son désespoir de fiancée. La vie factice ou la vie réelle demeure un décor admirable, sans humanité. Les enthousiastes sont-ils bien coupables de rêver de se maintenir à la hauteur des décors qu’ils préfèrent en supprimant leur propre chair pour leur plus grande gloire d’amour ? Laisse mes mains, ne me retiens pas ici ! On peut nous apercevoir de la maison. Je veux traverser le pont toute seule. Tu me regarderas partir… non, je n’ai pas envie de me noyer, je te le jure… je suis bien trop fri-