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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/284

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d’argent rempli de glace, plongèrent leurs mains agiles, retirèrent des ustensiles de vermeil ronds et sonores, se heurtant avec d’étranges bruits de cymbales, y déposèrent les fruits doucement, comme on mettrait des têtes de petits enfants sur des coussins dans des berceaux.

Léon souriait. Il était roi, ce jour de printemps, et c’était sa royauté de mâle que les trois femmes adorables berçaient.

— Cette nuit ! pensait-il.

Jamais jeune marié n’avait eu plus merveilleuse journée de noces, et jamais non plus il ne reverrait cela. Tout ce qui faisait la beauté de la vie s’unissant pour lui plaire et préparer son bonheur.

Quand Éliante se releva, laissant à Missie le soin de poudrer de glace pilée ses petits moules de vermeil où reposaient les pommes d’Anam, leurs yeux se croisèrent.

Il se mordit nerveusement les lèvres.

Très grave, Éliante s’avança vers lui, arrondit son bras en-dessus de sa tête, comme portant tout à coup une lyre.

Maintenant, dit-elle, il faut nous amuser sans nous souvenir que la vie… passe.

— Je t’aime, répondit Léon la voix toute tremblante d’espoir, et elle ne passera jamais assez vite, aujourd’hui.