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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/285

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— Missie, appela Mme Donalger fermant les yeux, ton menuet, je te prie, cela donnera une première leçon de maintien à notre élève.

Mlle Louise Fréhel entama le menuet dans un silence recueilli. Éliante vint s’accouder au piano. Léon s’assit sur le pouf de cygne, et Missie, toute baignée de lueurs blondes, se dressa presque jolie, d’une joliesse de gravure dans le fond de topazes de la chambre.

Là il y avait une large toile verte étalée sur le tapis de Smyrne, formant un gazon ras, et elle sembla danser sur la pelouse d’un parc, au soleil couchant. Missie, un peu maigre, un peu déhanchée, marchant en garçon pâtissier qui cycle avec une manne, devint subitement élégante, posa, et le charme de la mélodie aigrelette, mièvre, un brin sure, aidant, elle eut une révérence solennelle, jointe à un plissement de bouche et de paupière du plus comique effet.

Le menuet s’accélérant, ses pieds vifs piétinant dix minutes la mesure, elle arriva trop tôt sur le dernier accord, exécuta une glissade, deux ou trois sauts de chèvre en révolte, et retomba sur un salut, bref et hardi, de son invention.

Léon éclata en applaudissements chaleureux.

— Bravo !… c’est délicieux, absolument réussi, mais j’espère bien qu’on ne va pas me