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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/29

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rées de leurs gaines noires, le buste serré frileusement dans le fourreau du corsage, et on ne voyait bien d’elle que ses mains blanches, paraissant plus nues. Elle était décidément fardée, très pâle de poudre ou de teint. Ses yeux même se dissimulaient, noirs et blancs, sous la fourrure des cils. Rien ne la révélait femme. Elle demeurait une grande poupée peinte, très intéressante parce qu’il est fort naturel que les poupées soient artificielles.

Jouait-on avec cette poupée-là ?

Elle mangeait de bon appétit, mélangeait des choses sur son assiette : des rondelles de bananes et des truffes, étalait de la crème sur des sandwichs, buvait dans un verre singulier, en forme de croissant où le vin, l’eau peut-être, changeait de nuance chaque fois qu’elle buvait.

Elle semblait à la fois très chez elle et très en dehors de tous les mondes.

Lui mangeait beaucoup pour se donner une contenance, buvait peu, craignant de lui déplaire et se sentait atrocement gêné.

La lumière qui tombait d’aplomb sur lui le faisait plus jeune, presque collégien. C’était un brun imberbe au dur menton d’entêté, au nez droit, s’évasant légèrement des narines, aux yeux gris foncé, fouilleurs, chercheurs, rêveurs et comme voilés d’une taie bleuâtre, d’un trans-