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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/301

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mêmes de leur petite vie mise à nue, et c’est tout d’un coup charmant, léger, attendrissant, tout d’un coup affreux, cela révèle des choses qu’il ne faut jamais savoir.

Éliante se penchait en arrière, et un sourire éclairait sa face blanche où les yeux mettaient deux puits de nuit. On apercevait ses dents blanches, de belles dents bien rangées qui avaient l’air de dents de morte. Elle souriait tristement. Le sourire s’accentua tandis que le piano grondait plus fort, un roulement de tambourin fit se briser, plus haut, s’éparpiller en mille éclats de verre les notes des mandolines. On entendait comme l’immense piétinement d’hommes haletants, parqués dans un endroit trop restreint et cherchant à s’échapper pour fuir ou avancer plus près de ce qu’ils apercevaient.

Un instant le boléro d’Éliante faillit sauter, craqua dans son dos, et, comme elle se tournait, ils virent qu’il était déjà fendu et qu’on pouvait deviner la chair des épaules.

— Comment peut-elle faire ça ? questionna Léon, rampant sur le tapis pour s’approcher, essayer de comprendre.

— Ah ! bien, c’est une invention des filles de là-bas… des filles des rues, ça ne serait pas tolérable au théâtre et… ça ne s’apprend