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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/83

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mément, et elle est très pressée de s’amuser, comme vous ; aussi elle s’amuse mal, elle pleure souvent, se dépite parce qu’elle perd son temps à préparer des thèses, à lire de gros livres fort ennuyeux, à apprendre de quelle façon hygiénique et pour le meilleur sort de l’humanité on doit faire des enfants ; elle sait tout, hormis… d’avoir l’air de l’ignorer ! C’est une bien bonne fille. Si vous la connaissiez mieux, vous l’estimeriez certainement assez pour nous la demander en mariage, et si vous ne deviez point l’aimer d’un amour surnaturel, vous lui réserveriez une affection nature, une de ces solides affections avec lesquelles on fonde une famille et on conçoit, en divisant son cœur en autant de morceaux que l’on a conçu d’enfants, l’art de se passer de ce qu’on n’a pas, c’est-à-dire de tout. Je vous parle de Missie, mais je n’en suis point jalouse. Que voulez-vous qu’elle me prenne ? Je vous aime et je suis heureuse de vous aimer. En l’épousant, vous me donneriez la certitude d’une éternité de bonheur, simplement. Vous arrivez, moi je pars, il y a entre nous treize ans de différence, c’est-à-dire je possède un secret que vous ne pénétrerez que lorsque je serai morte, tout à fait vieille ; ce serait mon plus délicieux triomphe de vous entendre vous exclamer un soir, en